jeudi 3 janvier 2008

Pleurer de joie ?

- Miroir, je suis si triste ...
Cendrillon avait poussé la porte du château, et s'était rendue dans la pièce qu'elle avait déjà visité quelques fois, et s'était adressée au Miroir en zappant les formalités d'usage. En même temps, elle s'était accroupie nonchalament, elle s'était presque laissée tomber, la peine pesait lourd sur ses épaules.

- Miroir, j'ai appris une merveilleuse nouvelle aujourd'hui. Mon amie avait des étoiles dans les yeux, du bonheur dans la voix, les mains tendues vers l'avenir. Elle m'a parlé doucement, les yeux grand ouverts, la voix chevrotante d'émotion. Elle me racontait et moi, j'écoutais, toute ouïe, émue, car oui, la nouvelle était magnifique.

Pourtant, toute cette joie provoquait un immense déchirement à l'intérieur de mon ventre. Les larmes qui coulaient étaient empreintes du sucre du bonheur et du sel de la désolation. Cette saveur douce-amère qui emplissait ma bouche aggravait cette sensation d'ambivalence que je devais affronter.

Miroir, comment peut-on être à la fois si proche du bonheur d'une amie et que ce même bonheur réouvre une plaie à peine cicatrisée ? Comment lui dire que c'est l'image de mon propre échec qui me peine et non sa joie ? Comment ne penser qu'à elle et non à moi ? Comment faire comme si ... ?

- Cendrillon, tu as tout dit. Tu as en toi toutes les ressources pour faire face à cette peine, pour vivre avec et la faire cohabiter avec le bonheur.

- Miroir, j'ai honte. Je pense que c'est cette honte qui m'a fait venir vers toi. Aujourd'hui est jour de fête et je me cache pour pleurer. J'aurais voulu lui expliquer, j'aurais voulu qu'elle ne lise pas dans mes yeux, j'aurais aimé ne pas trahir cette émotion.

- Cendrillon, je vais te dire un secret, tu es la première personne à qui elle a révélé sa joie, c'est un signe, ça, tu comprends ? Ton amie, elle connaît cette faille en toi, et même si la plaie saigne un peu aujourd'hui, elle sait que demain, tu ne penseras plus qu'à elle.

Evidemment que le Miroir avait raison. Cendrillon le savait, au fond d'elle. Elle avait parcouru un long chemin depuis cette plaie, avait surmonté sa peine et avait appris à vivre aux côtés de cicatrices parfois gênantes, parfois fragiles, parfois attendrissantes. Ce long chemin parcouru n'empêchait pourtant pas une chute, lorsqu'elle se prenait les pieds dans les racines des grands chênes sur lesquels elle s'était si souvent reposée, fatiguée par cette route difficile.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est humain de réagir comme ça même quand l'autre nous annonce une bonne nouvelle... On vit avec nos blessures, nos failles et même avec le temps, ça peut ressurgir à tout moment... ce n'est pas pour cela qu'on est pas super heureux pour l'autre!

Amble a dit…

Elle s'assiérait dans la joie de l'autre en pleurant. L'autre ne saurait pas de quoi les larmes seraient faites...n'y verrait que du feu.
Le feu dans l'eau...le souffre, croisée des mélanges alchimistes...
Elle serait assise dans ce petit étang de ses larmes , elle flotterait là comme une Cendrillon -sirène, une princesse Ophélie, un bébé neuf à mettre au monde: le don tout nu de son affection inconditionnelle Amble