Mars 2002.
Elle et moi, on s'est rencontrées sur les bancs de l'université. J'ai adoré son insouciance, sa joie de vivre, on partageait une passion pour un même groupe de musique, on se racontait tout, souvent pendant une bonne partie de la nuit, bref, on est vite devenues des amies.
Je voulais des enfants, enfin, je voulais un enfant pour commencer, et entamais cette année-là sur les chapeaux de roue, portant 2 embryons sous ma robe de mariée le mois d'avant. Hélas, je n'aurai pas eu le temps de savourer bien longtemps cette grossesse, qui avait pris un tour fort peu réjouissant.
Elle décrétait ne pas avoir spécialement envie d'enfant, mais il suffisait de la regarder avec un perlinpinpin dans les bras pour comprendre qu'elle serait une maman épanouie.
A l'heure où le goût amer du deuil vint s'engouffrer dans ma bouche, dans mon corps, dans mon âme toute entière, elle m'apprenait, à demi-mots, sa grossesse. Sous le choc de l'annonce, je me souviens avoir raccroché le téléphone, médusée de ne pouvoir savourer l'idée de nous deux, le bide en avant, sur des photos souvenir.
On a raccroché, ce jour-là, en se disant qu'on se rappelait.
Et on ne s'est pas rappelées.
J'ai vite compris qu'on ne se rappelerait certainement pas, j'en étais devenue incapable, et elle aussi. J'étais anesthésiée dans mon deuil, elle devait nager en plein bonheur. Il n'y avait plus de lieu où nous rencontrer.
Un faire-part de naissance est venu me prévenir, 7 mois plus tard de la naissance de son petit garçon. Sans un mot, sans rien d'autre qu'un carton d'invitation pour une liste de naissance.
Je me souviens avoir reconnu son écriture sur l'enveloppe et me vois encore, les mains tremblantes d'émotion, chercher non pas le prénom du bébé, ni son poids, ni sa taille, mais une main à saisir, un appel, une promesse d'une nouvelle rencontre. En vain.
J'ai renvoyé le faire-part, accompagné du seul regret de ne jamais pouvoir connaître ce petit garçon. Ce faisant, j'écoutais mon coeur rempli de colère, de frustration, de tristesse.
J'ai longtemps pensé avoir eu raison de ce geste violent. Le jour où je suis rentrée de la maternité, ma fille dans les bras, j'ai mesuré toute l'ampleur de mon acte. MM1 a 3 ans, son petit garçon a eu 5 ans.
J'ai son adresse e-mail sous les yeux et une grosse boule dans le ventre.
14 commentaires:
Bouleversant. Tu touches encore une sphère qui m'est propre que j'avais volontairement refoulée, aïe, aïe, tu m'y fais penser!! Le faire-part de ma copine à moi est arrivé - tiens-toi bien!- le jour de l'enterrement de mon aînée !!! Je ne l'ai pas renvoyé comme toi, je l'ai simplement déchiré... comme un autre arrivé le lendemain! Depuis, j'ai renoué avec ladite copine ... mais ce n'est plus pareil. Mûris bien et prends ta décision ensuite. Bisous, je suis avec toi, te comprends et te respecte quel que soit ton choix.
je te comprends tellement, les grossesses des autres me font tellement de mal. J'ai difficile moi aussi à partager leur bonheur.
maintenant, je pense, que l'eau a coulé sous les ponts, je pense aussi, que si son amitié pour toi était si forte que ton amitié pour elle, elle pourra comprendre ton resenti !!!
prends ton courage à deux mains, dis lui bien le pourquoi, dis lui bien le manque de vos fous rires ... dis lui qu'elle t'a manqué...
après tu verras, mais au moins tu n'auras pas de regrets, de ne pas avoir essayé ...
Bises
Je suis toute émue aussi... Moi j'essaierais car je saurais... si ça ne marche pas, tu n'auras aucun regrets de ce qui s'est passé avant, tu as agi sous l'émotion et la tristesse et elle a manqué de tact ou je ne sais quoi...et au moins tu auras essayé...
si ça marche et bien, ce sera super pour vous, pour les enfants et une amitié renouvellée...
Pour d'autres raisons, j'ai perdu une amie très chère mais j'ai essayé et essayé encore... ça n'a pas marché, j'ai été déçue par sa réaction mais au moins je n'ai pas de regrets... that's life comme on dit même si c'est douloureux... Bises
allez vas-y, lance-to, envoie lui un mail. Manifestement tu en meurs d'envie et si vraiment vous étiez si proches que tu le dis elle acceptera de renouer avec toi, d'autant qu'elle en a probablement autant envie que toi! bon courage!
dino
J'avoue que, même si je respecte ta décision, j'ai beaucoup de mal à la comprendre : en aucun cas ton amie n'a fait exprès de tomber enceinte à ce moment-là! J'ai une amie très proche qui réagissait de la sorte, plus violemment au fur et à mesure des déceptions et que ses amies attendaient d'heureux évènements.
Maintenant elle est enceinte de 8 mois, et tellement fière de l'être qu'elle se moque bien de la réaction des autres, et notamment de celles qui galèrent pour y arriver!
L'amitié c'est aussi partager la joie de l'autre, même si pour soi c'est loin d'être le cas.
J'ai aussi subi une fausse couche, mais n'en ai jamais voulu à quiconque de mon entourage des bonheurs qui se présentaient dans leur vie et duraient.
La vie est ainsi, mais l'amitié est un si précieux trésor...
Ecris ! tu risques quoi ? qu'elle ne réponde pas ? qu'elle t'envoie bouler ? ca peut pas être plus foutu ? alors ? écris !
Essaie, tu n'as rien à perdre... Et au moins tu n'auras plus de regrets...
Cendrillon...
Je comprends fort bien la réaction que tu as eue à l'époque. Tu n'es pas à blâmer, c'était la seule chose que tu pouvais faire pour te protéger. Cette épreuve que tu as traversée t'a probablement fait découvrir des aspects insoupçonnés de toi, parfois peu glorieux, mais c'est ainsi. (je compatis ;) )
Ton amie n'a pas été plus avisée de t'envoyer uniquement ce faire-part, sans petit mot ou autre.
Mais là.. de l'eau a coulé sous les ponts! Alors, comme beaucoup l'ont dit avant moi, essaye!
Vous avez beaucoup de choses à vous dire, du temps à rattraper. Et puis un mail, c'est "lâchement" plus facile non :)
bibizzz
Je ne peux, comme dans les comms précédents, que t'encourager à te lancer. Même si j'imagine bien que cela doit être très très difficile pour toi.
Tu ne le regretteras pas, même s'il n'y a pas de suite, au moins tu auras tenté le coup.
Je t'envoie tous mes voeux de courage... et une grosse bise.
Phil, arfff, les hasards du calendrier... merci de ton petit mot, je sais que tu comprends fort bien cette ambivalence. Oui, je vais encore réfléchir, mais à quoi au juste...
Kheyliana, je comprends à demi-mots de tes commentaires laissés ici que ce n'est pas tant la grossesse de l'autre qui te fait mal, mais l'image de ton propre échec qu'elle renvoie. J'ai vécu avec ce sentiment 5 années, et aujourd'hui, j'essaie d'être très attentive encore et toujours à entourer fort les femmes, les hommes qui ont dû ou doivent surmonter de tels échecs. Comme tu le dis, l'eau a coulé sous les ponts, et on a changées aussi, on n'a peut-être plus grand'chose à partager aussi... j'avoue être un peu perdue.
Carole, ce ne sont pas les regrets que je crains, mais une nouvelle déception en fait. Par 2 fois j'ai renoué avec 2 amies après un très long silence de pls années, et ce fut 2 très belles réussites, qui comptent énormément à mes yeux aujourd'hui. Nous nous sommes retrouvées comme "avant". 2 magnifiques expériences, dois-je tenter le diable ?
Dino, bienvenue par ici et merci de ton petit mot. Je ne sais pas si elle pourrait en avoir envie. Je ne sais pas comment j'aurais interprêté le retour de mon faire-part de naissance. Très mal, sans doute...
CarrieB, oui bien sûr, c'est la raison qui parle aujourd'hui. A ce moment-là, j'aurais aimé, je pense, sentir sa présence, son épaule, sa main pour me réconforter. Je pense que j'aurais été capable de partager son bonheur si elle avait pu partager ma peine. Je pense que nous 2 avons oublié l'autre, malheureusement.
Christine, ça paraît si simple, vu comme ça !! :-) Merci encore !
Ange-étrange, des regrets... moui, mais si longtemps après... quelle déconfiture !
Mme Poulet, je pense que le tunnel que nous avons traversé pd 5 longues années nous a profondément changé. Nous sommes peu à peu devenus terriblement durs face à notre entourage, nous avons perdu tant d'énergie à nous battre que nous en avons négligé, des relations... C'est tjs plus facile avec le recul nécessaire... Merci pour tes bons mots. Je pense fort à vous.
Merci Je rêve, je vais dormir sur vos conseils, votre recul, et vous tiendrai au courant, à la Dallas !!!
merci merci et encore merci !
Mmmmm ... Tant de choses à dire sur le sujet ... Oui, c'est vrai que s'il est avéré que le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point, la vision des uns ne correspond pas toujours à la vision des autres.
Une blessure de coeur et la colère que cette dernière a pu engendrer a probablement laissé des traces émotionnelles chez elle... Je sais de quoi je parle car je pense être parmi les 2 amitiés reconstituées.
Tout est aussi dans la définition du mot "amitié"... Les maux vécus font parfois place aux mots verbaux qui ne sont pas toujours transmis de la meilleur manière.
Se renfermer sur soi-même ou faire fi de tant d'années d'amitié, c'est aussi ne pas avoir oser dévoiler toute l'ampleur de ton désir ardent de donner la vie.
Les "si" n'y changeront rien, nous avons repris contact, comme si de rien n'était.
Je resterai quand même impregnée du regret de ne pas avoir pu t'accompagner sur le chemin de la genèse ...
Nos deux aînés ont le même âge à quelques semaines près.
La prochaine fois (dans une autre vie stp), explique moi, j'aurai moins de mal à comprendre et à vivre sans toi !
Sinon je suis extrêmement ravie de ce que nous vivons aujourd'hui !
Merci pour le surnom de FlyLady :)
et c'est bien de le 'dire'. mmh on a toutes des histoires en supens ?:)
Flylady, ce pseudo te va à ravir, si si si !
Oui, bien sûr que tu fais aprtie de ces 2 amitiés "reconstituées". Et le fait que nous avons repris notre chemin "comme si de rien n'était" est quasi LA condition pour poursuivre ce même chemin.
C'est une étrange vision qu'on a de nous, lorsque le mot "stérilité" est posé. Il faut réorganiser notre vie, nos projets, nos envies mais surtout, c'est l'image que l'on a de nous qui est modifiée.
Bien sûr on est capable de sourire du bonheur des autres, bien sûr notre esprit peut admettre cela, notre intelligence faire la part des choses. Le rationnel n'est pas "compliqué" à gérer.
Mais nos tripes, c'est une autre histoire...
2L... ah, si seulement j'avais laissé des points de suspension. Là, il me semble que j'y ai mis un point final.
Je n'ai pas encore pris de décision... je réfléchis toujours...
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