La construction du mur avait commencé très tôt, je dirais entre 4 et 6 ans. Chaque entaille, chaque blessure donnait lieu au même rituel, à savoir la pose d'une brique à côté de la précédente.Construire un mur en cercle n'était pas chose aisée, alors j'avais opté pour un carré, et l'idée des coins me réjouissait énormément. Une fois le contour délimité, j'ai longtemps jouï d'une étrange liberté, celle de sauter au-delà de mon mur, qui à cette époque-là, n'était pas bien haut. Sortir de mon carcan pour m'y réfugier aussitôt que je le désirais.
Il vint un moment où sauter au-dessus devint plus difficile et je devais faire plus attention, pour l'enjamber sans me blesser. Un peu plus tard, à l'adolescence, la pose des briques était quotidienne, et le mur a grandi très vite, jusqu'à m'emprisonner pour de bon.
Bien sûr, je voyais toujours la lumière, bien sûr, je trouvais chacun des 4 coins de cet enclos rassurant, et bien sûr lorsqu'on m'a fait parvenir des outils pour casser mon mur rapidement et me rendre ma liberté, j'ai commencé par refuser.
Et j'ai continué à refuser, préférant démonter chaque brique une à une en tentant de me souvenir pourquoi et quand je l'avais posée. J'étais redevenue libre, physiquement du moins. J'aurais voulu me débarasser des briques pour de bon, mais je trouvais la liberté si difficile que je n'osais même plus les toucher, de peur sans doute, de reconstruire le mur, très vite.
A défaut de mur, c'est la maladie qui est venue s'installer, m'encercler et me tenir. J'ai arrêté de croire au hasard et lorsque le spécialiste me parlait de ma nouvelle réalité, je pleurais de tenir le fil entre mes mains. Je m'en voulais terriblement d'avoir affaire à un nouveau mur alors que je venais juste de me séparer du premier.
Cette maladie, le diabète, tient une place particulière dans ma vie. Elle ressemble à une soeur, qui m'embête et me cherche, me provoque un peu, une soeur taquine, jouette et devient, le moment venu, cette soeur qui dira les maux pour moi, quand je suis incapable de les formuler.
L'insouciance est un trésor immense, une bulle de cristal, un souffle de vie...
3 commentaires:
Chère Cendrillon, je passais par hasard, pour la première fois et j'ai vraiment été happée/touchée par ton dernier message. Merci pour ces mots et sincèrement désolée pour tes maux...
P.
Eh ben encore un post qui....... j'accroche vraiment beaucoup, ça fait écho en moi, tu arrives à mettre des mots qui expriment tant de sentiments. Encore bravo
Quelle description... On peut donner plein de formes au mur, ou encore le prévoir si vaste qu'il faudra d'abord longtemps pour s'y sentir enfermé, et ensuite peut-même pas assez du reste de sa vie pour le démonter... et pour certains, la maladie s'invite à l'intérieur avant tout démontage...
Tu tiens ce fil, mais avec une vue désormais dégagée, alors tiens-le bien...
Je t'embrasse
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