
Cendrillon était arrivée au château épuisée, en quête de réponses, prête à entendre qu'elle s'y prenait mal, prête à se voir dans le Miroir, et pas forcément sous son meilleur jour.
- Et toi, Cendrillon, quelle est ta lecture de tout ça ?
- Mon coeur de maman est soumis à rude épreuve, et souffre autant que le sien. Ce lien très fort qui nous unit depuis sa naissance est loin d'être lisse et sans obstacle. Il me semble que nous devrions le rompre par moment, mais des blocages nous en empêchent...
Elle semble craindre mon départ, comme si j'allais la laisser, l'abandonner, la trahir. Pourtant, je passe mon temps à lui parler, à la rassurer, à lui expliquer où je vais et quand je reviens. Elle aime l'école et pourtant, se tait et se mange le bras, signe de grand stress. Elle ne pleure jamais et tout le monde vante le côté "facile" de son comportement.
Et moi, le soir, je paie au centuple la tension refoulée toute la journée. Elle parle, parle et finit par crier, ne pleure plus mais hurle sa rage pour une broutille, me blesse pour me dire qu'elle existe et finit enfin, au bout de très longues minutes, à pleurer ...
Je ne l'ai pourtant jamais abandonnée, sauf à sa naissance. Sauf cette toute première nuit, où j'ai passé un deal avec une infirmière de nuit de la maternité, acceptant enfin une dose de morphine tant la douleur de la césarienne se réveillait depuis des heures. Je l'ai écoutée et ai accepté de cesser ma lutte contre la douleur. Moi qui ne respirais plus que pour retrouver ma fille toutes les 3 heures pour la mise au sein, je devais compter sur la disponibilité et le bon vouloir du personnel de la maternité pour passer du temps avec mon bébé, et faire ce que toute femme devrait pouvoir faire, sans aucune restriction : nourrir son enfant.
L'enjeu était de taille. MM2 ne serait pas gavée si elle prenait suffisament le sein. Ensuite, MM2 sortirait de la néonat si elle tenait sa glycémie. Enfin, MM2 retournerait à la néonat si elle ne grossissait pas assez.
Mais cette femme a rompu le peu de confiance que j'avais bien voulu accorder à la maternité. Elle m'a pris MM2 des mains et l'a redéposée en néonat, avec pour consigne de la gaver, et de la garder, vu que je préférais me reposer.
Je lui avais confié mon bébé, histoire d'endormir la douleur pour quelques heures. On avait fait un deal, elle et moi, et elle a tout foiré. Je croyais enfin fermer les yeux et récupérer, mais cette nuit-là, je n'ai fait que des cauchemars. J'étais réveillée, j'ai demandé à avoir mon bébé, il n'est pas venu. Il avait une sonde dans le nez et ma présence n'était plus une priorité.
Quand on se retrouve le bide découpé, un drain dans la plaie, une sonde urinaire plantée dans son intimité, et reliée à une pompe à insuline, se lever devient compliqué. Je me suis vue 100 fois marcher jusqu'à cette putain de néonat, mais en vain. Peu importe la douleur, fallait encore pouvoir compter sur mes jambes, qu'elles me soutiennent jusque là.
J'ai menacé, j'ai hurlé, j'ai refusé les soins, j'ai mené un chantage terrible pour avoir ma fille à mes côtés. Ce n'était plus de la colère, c'était de la rage.
Elle avait 1 jour et quelques heures quand je l'ai récupérée à mes côtés. Et si des millions de femmes vivent ce moment comme des retrouvailles, je l'ai vécu comme un sauvetage, et j'ai passé les jours qui ont suivi à la protéger comme si on me l'avait enlevée.
Je ne suis pas parvenue à accepter un protocole d'hôpital qui prévoit un séjour "en observation" à la néonat pour faciliter le travail de son personnel. Je ne suis pas parvenue à accepter que le motif de garder ma fille en neonat soit "des difficultés de s'alimenter" alors que le pédiatre de la maternité s'est étonné de sa prise de poids rapide.
Mais aussi peut-être que je me suis retrouvée, moi, nouveau-né, dans une néonat, privée du contact de ma mère, de mon père, privée de leur voix, de leur présence, pendant des semaines, et peut-être que la réponse qui s'est imposée à moi face à MM2 était l'expression de cette terreur enfouie au plus profond de ma mémoire, peut-être que ce sentiment d'abandon est le mien, et qu'en voulant éviter la séparation, j'ai réécris un bout d'histoire...
Peut-être que je porte la culpabilité de ce corps qui m'a lachée au moment où je comptais le plus sur lui, moi qui rêvais tant de cet accouchement par voie basse. Peut-être que je me suis retrouvée terriblement seule, comme je l'avais été en naissant, et que superposer cette idée-là à l'image de MM2, seule en néonat, était tout simplement insupportable.
Peut-être que.
2 commentaires:
Ouhlala, ma très chère courge, je suis désolée à lire ce récit... je n'ai pas de réponse, mais je t'embrasse bien fort.
terrible.
terrible...mais tu sais en te lisant j'ai l'impression de voir ma chipounette entre 2 et 4 - pot de colle à répéter toujours les mêmes questions - alors même que je n'ai pas ton vécu...alors...peut être...ce n'est qu'un passage jusqu'à ce qu'elle trouve ce qui la rassure...? même si c'est long :)
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