mardi 11 septembre 2007

Cauchemar

Je ne me souviens plus comment on s'est quitté ce matin, si on s'est engueulé au sujet du pain, ou des enfants, ou si on s'est embrassé.

Je ne me souviens plus si on a parlé de ce qu'on allait manger ce soir, ou si tu rentrais plus tard.

Je ne me souviens plus si tu appelais l'entrepreneur, ou si je le faisais. Je ne me souviens plus s'il pleuvait ou si le ciel était bleu.

Je ne me souviens de rien, mais peu importe, car je sais que je ne rentrerai pas ce soir.

Je viens de terminer ma tasse de café, elle traine encore sur mon bureau. Comme d'habitude, machinalement presque, j'essuie la trace ronde laissée par la tasse sur mon bureau. Je n'aime pas les traces de café sur le blanc lumineux du matériau high tech de nos bureaux flambant neufs.

Mes collègues sont abasourdis. Tout le monde se regarde, tout le monde comprend peu à peu ce qui vient de se passer. Les ascenceurs sont bloqués, les couloirs sont remplis de fumée. D'autres gens, de parfais inconnus se ruent dans les escaliers, des linges devant la bouche, devant le nez, ils veulent descendre mais personne n'avance.

Je suis claustrophobe. Je sais qu'il faut fuir. Je sais qu'il me faut descendre, avec ces gens, au plus vite, mais je n'y arrive pas. Je me rassieds à mon bureau, seul endroit calme, connu, rassurant. J'ose un timide regard vers dehors, et je vois les corps tomber. Je suis en état de choc, mon instinct de survie est partagé entre me plonger dans la foule et m'isoler dans une armoire. Mon dieu, comment sortir d'ici ?

Je réalise que j'ai encore une connexion Internet. Ca marche ! Instinctivement, je compose l'adresse de la maison, et me mets à écrire. J'ai peur de téléphoner, j'ai peur de leur dire, j'ai peur de craquer, j'ai peur d'oublier l'essentiel.

Alors je l'écris, je leur dis combien je les aime, combien le temps me manque pour leur dire plus, mais qu'ils peuvent vivre sans moi, que les fondements sont posés, les bases sont solides, les enfants pourront grandir sans moi parce que je serai toujours un peu là, dans leurs valeurs, dans leurs souvenirs, dans leur confiance en eux.

Je ne me relis pas, je n'en ai ni le temps, ni la force. J'ai sûrement laissé des fautes de frappe, tellement l'angoisse qui m'étreint a engourdi mes doigts, mais tant pis. Je ne cesse d'espérer que les serveurs ne nous lâchent pas avant d'avoir acheminé ce message, pour que les miens puissent garder à tout jamais une trace de moi, savoir que je suis morte, quelque part dans ces gravas, mais que c'est à eux que j'ai pensé jusqu'à mon dernier souffle.

4 commentaires:

Georges de La Fuly a dit…

Je ne sais pas si vous connaissez le très beau film "Vol 93" ? J'ai pensé à lui, en vous lisant. Et je me suis très souvent imaginé, moi aussi, là-bas, dans les tours, ou bien dans cet avion…

Anonyme a dit…

Oh la la la la la la la.
**grooos soupir**
Il n'y a rien à dire je crois.

Mémère Cendrillon a dit…

Georges et son Pseu, oui, je l'ai vu, c'est prenant, en effet. D'avoir monté ce film à partir des communications téléphoniques entre les passagers et leurs proches en fait plus un documentaire-fiction. Bref, je l'ai vu et me souviens de la grosse boule dans la gorge que j'ai eu à ce moment-là.

je rêve, je soupire avec toi.

Mémère Cendrillon a dit…

gloups, "eue", gloups