J'aurais aimé qu'elle couche sa tête à côté de la mienne quelques secondes pour me souhaiter une bonne nuit, j'aurais aimé qu'elle me dise qu'à ses yeux, j'incarnais l'Amour au sens profond, j'aurais aimé qu'elle me porte, me serre tout contre elle pour recevoir mes larmes d'enfant, lorsque j'étais tombée, ou lorsque ma copine de classe n'avait pas daigné m'inviter à son goûter d'anniversaire.
J'aurais voulu être élevée dans le présent, dans l'instant, et non dans la crainte de ce qu'il pourrait se passer demain. J'aurais tant aimé grandir simplement, sans avoir si peur de mes sentiments, de mes émotions.
Je ne lui ai jamais dit que je l'aime. Et elle ne m'a jamais dit qu'elle m'aime.
Elle a préféré que je grandisse sans connaître cet étalage de sentiments, au simple cas où elle viendrait à décéder. Non pas qu'elle ait une plus grande probabilité de mourir qu'une autre personne, mais simplement, parce qu'idéologiquement, "on ne souffre pas de ce qu'on ne connaît pas".
Si tu goûtes au plaisir, tu souffriras de son absence, alors que si tu ne le connais pas, tu n'en souffriras pas. Elle avait confondu le plaisir du bonbon acidulé et le besoin fondamental de l'enfant de se sentir aimé.
Pourtant, je n'ai manqué de rien d'autre.
Pourtant, j'ai grandi sur un plancher instable, n'osant quelques fois plus bouger, de peur de voir les planches se rompre sous mes pieds.
J'ai pourtant su qu'elle tenait à moi. De part l'extrême rigueur qu'elle a à garder des souvenirs de moi, des photos, des bulletins scolaires, des bricolages, et surtout dans ce que les autres me racontent. Elle dit aux étrangers l'affection qu'elle porte à ses enfants, elle dit aux autres ce qu'elle nous cache si bien, si fort.
Elle revêt tant de costumes différents qu'elle s'est perdue dans sa vie compliquée de faux-semblants. Elle n'est pas partie jeune comme elle a pu le craindre, et moi, sa fille, je me demande vraiment si le lien, celui qui m'apporte tant au quotidien avec mes enfants, a encore du sens dans notre relation.
Je suis convaincue d'une chose aujourd'hui, c'est que j'ai semé tellement d'Amour autour de mes filles, que je peux partir en paix, elles n'auront jamais à se demander si leur maman les a aimées, avec son cœur, ses tripes, son âme. Elles pourront sauter à pieds joints sur le plancher sans avoir peur de tomber, c'est du béton qui se cache dessous.
Il restera le chagrin, moins lourd cependant que celui que je traine aujourd'hui.
4 commentaires:
Comme toi, j'ai rien eu (enfin si quand même avec ma grand-mère...) et comme toi je pense que ma fille ne pourra jamais dire qu'elle a manqué d'amour car ça je sais lui en donner et ça coule tellement de source...
Bises
Tu as hérité les fondations d'un château de sable et tu parviens à offrir celles de pieux battus en béton armé...
"Je t'aime"
Ces 3 mots tellement tus par nos parents... ou juste à peine effleurés... parfois...
J'essaie, comme toi, qu'ils sachent que je les aime, en mots en actes, et en câlins.
Tu as choisi la bonne voie, sois-en certaine.
Agatha.
Sans doute toujours une faille dans les fondations sans une chape préalable d'amour...
Bravo à toi d'en avoir pris le contrepied, ta famille a beaucoup de chance, et merci beaucoup pour ces lignes de vie, et de coeur.
mes parents me l'ont dit très peu - mais un peu quand même. et avec ma maman, on ne s'étreignait jamais. ni on s'embrassait même le matin pour se dire bonjour. il a fallu mes 35 ans pour que la mienne découvre que cela pouvait être simple et que ça faisait du bien...zut. souvent nos parents n'ont pas eu 'l'enfance facile que nous avons eu', c'est toujours ce que les miens disaient et c'est vrai aussi. bravo à toi, je fais pareil avec mes petites, et ça ne les étouffe pas :)
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