« Madame Cendrillon, ici le docteur Miracles. Voilà, votre prise de sang est positive, vous êtes enceinte. Félicitations ! On se voit dans une dizaine de jours à mon cabinet. »
C’était un samedi d’avril. C’était formidable, mais pourtant, je n’osais pas me réjouir trop vite. Je savais qu’on venait de gagner une bataille, et non des moindres, mais qu’on pouvait se faire ratatiner à la moindre occasion. J’avais appris, souvent à mes dépens, que la nature ne se montrait pas toujours clémente et pouvait même s’acharner, des fois.
La trêve fut de courte durée. Le lendemain, j’avais de violents maux de ventre, et le lundi, la douleur était telle que je m’évanouissais dans le cabinet du gynécologue, qui avait bien entendu accepté de me recevoir en urgence, afin de contrôler l’état de mes ovaires après cette 5e FIV.
Même après l’arrêt des hormones stimulant les ovaires, les miens avaient continué la stimulation, sous l’effet dopant des hormones de grossesse. C’était donc bon signe. Mouais, mais ça douillait aussi. Au repos complet, je regardais l’horloge et essayais tant bien que mal d’oublier la douleur pour me concentrer sur l’unique bonne nouvelle : j’étais enfin enceinte. Même si ça ne commençait pas comme dans un conte de fée…
Au lieu de se calmer, la douleur s’installa de plus belle, m’empêchant de bouger, de manger, de dormir. Au bout de 72 heures, le Prince m’embarqua dans notre carrosse et m’emmena aux urgences, où il s’est vite avéré qu’un de mes ovaires se tordait méchamment.
Sauver l’ovaire, et la grossesse.
Sauver l’ovaire ou la grossesse.
Risquer.
Je suis descendue au bloc un samedi matin, enceinte, certes, mais prête à tout pour que cette douleur s’arrête. Prête aussi y laisser ces quelques cellules qui avaient élu domicile dans mon ventre. Mais cette fois-ci, la nature était avec nous et on a pu sauver et l’ovaire, et la grossesse.
Les 9 mois qui suivirent furent loin d’être roses (quoique…), mais semaine après semaine, l’idée de devenir maman avait enfin éclos, malgré l’étiquette de grossesse pathologique qu’on me collait au ventre, j’arrivais à compulser, dès le 7e mois, en vidant les magasins de leurs articles pour bébé, dans une frénésie contenue depuis bien trop longtemps.
Le 15 décembre 2004, à 15h14, ma fille voyait le jour par césarienne, alors qu’il faisait un froid de canard dehors. A l’époque, je considérai cette naissance comme l’aboutissement d’une très longue bataille, et la victoire n’en était que plus belle. J’acceptai avec résignation cette césarienne, consciente qu’un col nécrosé ne pourrait évoluer favorablement. Seule l’issue m’importait : ce bébé qui portait déjà toute une histoire.
Je n’imaginais pas, à cet instant précis, qu’une nouvelle lutte s’engageait pour l’allaiter, ni que j’allais faire de cet allaitement un outil de réparation, celui par lequel j’allais reprendre possession de ce corps, loin des médecins, des échos, des diagnostics. J’allais enfin pouvoir investir dans ce lien, lien qui était resté de si nombreuses années rêvé, en suspens entre le miracle et le quotidien. Enfin, j’allais pouvoir conjuguer au présent toute une série de verbes que je m’empêchais jusqu’alors de prononcer.
Il y a 4 ans tout pile, ma fille venait de naître, faisant de nous des parents émus et émerveillés comme tant d’autres parents sur la terre. Notre première rencontre fut vite suivie d’une première séparation, celle du passage obligé en néonat dans le protocole de la maternité, pour toute maman diabétique.
Dans quelques heures, il y aura 4 ans, je la récupèrerai, ivre de joie, d’amour et d’émotion, oubliant d’un coup d’un seul les années de misère qui ont précédé. Cet enfant symbolisait à lui seul nos attentes les plus profondes, et il est étonnant de voir aujourd’hui, combien MM1 s’inscrit dans ce registre, malgré toute notre attention de la préserver.
Et si aujourd’hui encore, je reste amputée des naissances de mes filles, je resterai marquée à vie par cette vie que l’on tire de mon ventre, par ces sensations lointaines et pourtant puissantes de ce ventre dans lequel deux mains s’activent, par ce cri intense et magique qui me transperce lorsqu’on aspire le liquide amniotique alors qu’elle est encore en moi.
Ce cri, je l’entends encore souvent, il est gravé dans mon cœur, à tout jamais.
Bon anniversaire, mon amour.
4 commentaires:
Joyeux anniversaire MM1!!
Quel beau message d'amour plein d'histoire oui...
Bises
Bon anniversaire, petite princesse... et sa super maman aussi ;o)
Joyeux anniversaire et merci pour ce conte aussi plain d'amour et de souffrance.
Et puis on a le courage d'appeller la grossesse "douce attente"...
Clotilde, horeuse d'etre tombée ici pour hazard
Merciiiii les filles et bienvenue Clotilde !
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