mercredi 29 avril 2009

Symboliquement parlant...

Suzanne s'essuie les mains après avoir fait la vaisselle du soir, ses doigts sont gonflés, usés par les vaisselles, abîmés par les années. Comme à chaque fois, elle tente manchinalement d'ôter cet anneau presque greffé à son annulaire gauche, et qui lui rappelle sans cesse le lien qui l'unit encore à Gaston, son mari depuis si longtemps qu'elle voudrait avoir oublié la date.

Gaston, quant à lui, ne cesse de râler sur Suzanne, et se demande encore pourquoi il ne s'est pas cassé une jambe le jour où il l'a épousée. Ca fait bien longtemps qu'il ne porte plus son alliance, un jour, elle a dû glisser de son doigt, et il s'est rendu compte que cela ne changeait rien.

Marguerite, quant à elle, pleure son Joseph adoré depuis que son coeur s'est arrêté de battre sans crier gare. Elle a choisi avec soin sa dernière tenue, mais n'a pas réussi à le laisser partir avec son alliance. Depuis, elle la porte autour du coup, avec la croix de Jésus et Saint-Antoine de Padoue, offert par son père. Chaque jour, Marguerite embrasse l'alliance de Joseph, et marmonne quelques mots à son attention. Cette alliance les relie, estompe la distance, recrée ce lien de manière concrète. Et quand Marguerite partira, qui prendra soin des deux alliances, symbole de cette union parfaite de 49 ans et demi ?

Marc a jeté son alliance du bord de la falaise, après s'être ravisé de se jeter à l'eau en ce triste jour d'hiver où il avait apposé sa signature sur l'acte de divorce.

Ludivine joue avec son anneau, c'est devenu un tic, elle le fait tourner à l'aide du pouce et de l'auriculaire. 

Antoine adore mettre son alliance en bouche, et rouler sa langue dedans.

Isabelle l'a enlevée et l'a cachée dans une boîte à bijoux, après l'avoir emballée dans une petite boîte noire. Le symbole l'a trahie, il ne veut plus rien dire. Mais le souvenir reste, et le visage de son fils le lui rappelle au quotidien.

Quant à Philippe, il a préféré faire fondre l'alliance de Chloé, quand l'hôpital la lui a rendue, avec la sienne, pour n'en faire qu'une seule. Ainsi, leurs destinées seraient liées à tout jamais.

L'anneau du mariage, en or jaune, blanc, ou rose, que l'on porte à la main droite ou gauche, selon les pays, les croyances, ou selon son envie, porte toujours l'empreinte d'une histoire, belle ou moins belle, riche ou non, longue ou courte. 

Cet anneau si léger peut peser si lourd parfois, lorsque le regret ternit le métal précieux, lorsque la haine l'emprisonne sur un doigt trop bouffi, lorsque la séparation est venue brutalement éteindre son éclat.

Il faut l'avoir perdue un jour, pour se rendre compte de sa présence, pour cotoyer le souvenir des promesses exprimées devant témoins des années auparavant, pour se sentir nu(e), et vidé(e), et triste. Et les quelques mots d'amour gravés par un joaillier, les graver dans son coeur pour que la peau ne souffre pas trop du manque.

4 commentaires:

Rebecca a dit…

Merci pour ces mots si justes.

mareya

Carole a dit…

Magnifique ton texte...
je ne connais pas cette valeur...

Katia a dit…

Tellement vrai ...

Dnadryad a dit…

Snif...