jeudi 13 août 2009

Le lien

Il s'est créé dès le départ, alors qu'on murmure le mot grossesse, comme pour conjurer le mauvais sort. Il s'est révélé comme une évidence, comme l'aboutissement d'une attente destructrice et animale. Il s'est intensifié au fil des mois pour exploser lors de la naissance.

Il a été ce qui m'a permis de devenir mère, moi qui me suis retrouvée passive dans la conception, et anesthésiée lors de la naissance. Un subtil mélange d'hormones, d'émotions et de blessures qui ont intensifié ce lien et m'ont permis d'avancer.

J'ai su, de manière quasi instantanée, qu'il allait me falloir réparer ces manques, cette impression soudaine d’avoir été amputée brutalement, cette plaie béante de l’âme qui allait rester incomprise autour de moi.

J’aurais pu réparer ce manque sur le divan d’un psy, me noyer dans le chocolat ou me lancer dans la course à pied, intensément. J’ai choisi l’allaitement. Enfin, non, j’ai pas choisi, ça s’est fait tout seul, comme une évidence, comme un abandon salutaire.

Enfin une chose que j’allais faire toute seule, sans l’aide de personne. Chaque heure passée à allaiter a été intensément riche ; on a construit tellement de ponts ensemble.

Il m’aura même fallu en tout 44 mois d’allaitement pour cicatriser correctement et pouvoir accepter l’idée de n’avoir pas pu donner naissance, au sens littéral du terme, dans l’action, la participation, la libération.

C’est une page importante qui se tourne aujourd’hui. Mes filles grandissent et j’adore voir leur autonomie et leur complicité se développer. Je ne suis pas nostalgique des gazouillis de bébé, ni des tétées remplies d’amour plus que de lait. Je suis heureuse de les avoir accompagnées sur ce chemin, et de les avoir laissées prendre le large, sans leur imposer la séparation.

On a bien défait un nœud, mais pas le lien. Il est tissé pour toujours il me semble, dans nos chairs, dans nos vies, dans nos cœurs. On s’aime de mots, de moments tendres, on s’aime de bouts de nuit volés au petit matin au creux du lit.

Même si MM1 a rompu le lien du lait maternel il y a bien longtemps, elle a naturellement accompagné sa sœur sur ce chemin, l’encourageant chaque jour, la félicitant aussi. Et MM2 et ses yeux partagés entre l’envie d’y retourner et l’envie de grandir, a finalement opté pour la séparation charnelle.

J'ai plus de bébés.

2 commentaires:

Carole a dit…

inévitable et en même temps j'aurais envie d'avoir toujours une part de mon bébé qui n'en n'est plus un...

Mr et Mme Poulets a dit…

ben voilà....