vendredi 11 septembre 2009

2922 jours

Le téléphone avait sonné et Cendrillon était ravie d'entendre son ex-collègue et amie lui donner des nouvelles de la boîte qu'elle avait quitté quelques mois auparavant.

Comme à chaque fois qu'elle sentait que la conversation allait forcément durer plus longtemps que les 3 minutes réglementaires qui rythmaient les journées de travail, Cendrillon avait fait tourner sa chaise vers la fenêtre afin de plonger son regard sur la campagne avoisinante et de détendre ses yeux en quittant l'écran de son ordinateur.

Pocahontas, l'amie du coup de fil, avait poursuivi sa route dans une "boîte américaine" et avait déménagé dans une capitale voisine. Cendrillon adorait la retrouver au bout du fil, parce que s'il est simple de quitter une entreprise avec laquelle on ne partage plus aucune valeur, il est nettement moins simple de quitter des gens qu'on apprécie et qu'on a eu la chance de découvrir aussi en dehors du cadre du travail.

Alors, ces rendez-vous papotte étaient des bulles d'air, des moments "souvenirs" et des moments "d'avenir", où Cendrillon et Pocahontas partageaient leurs quotidiens, tant privés que professionnels.

Ce jour-là, Pocahontas s'était étonnée de voir tant de gens passer devant son bureau, et se leva pour rejoindre ses collègues dans la salle télé. Tout en parlant à Cendrillon, elle regardait d'un oeil l'écran. Elle l'interrompit et lui annonça alors qu'un avion avait percuté un immeuble, vraisemblablement aux USA.

C'était en début d'après-midi, le 11 septembre 2001 et la suite, tout le monde la connaît.

Il y a 8 ans, j'étais rivée, comme des millions de gens, devant ma télé, et j'avais perdu les mots, la foi, la confiance devant tant de misère et de poussière. Je me suis couchée très tard, le coeur renversé, et en versant quelques larmes en regardant mon réveil m'indiquer une heure où là-bas, on rentrait probablement chez soi, après une journée de travail. Sauf que là, des milliers de gens ne rentreraient pas. Et j'imaginais ces hommes, ces femmes, ces enfants affronter l'absence et ces images d'une violence inouïe.

Ce n'est que plus tard qu'on nous a montré les scènes terribles de courage et de terreur qui se sont jouées à l'intérieur des tours, entre ces gens qui ne se connaissaient quasiment pas et qui allaient risquer leur vie pour ne pas avoir de fantômes qui viennent hanter leur vie à eux s'ils avaient la chance de sortir de l'enfer.

Ce n'est que 8 ans plus tard qu'on ose montrer la réalité de ceux qui refusent qu'on les appelle des héros et qui crèvent à petit feu des conséquences d'avoir inhalé tant de fumée et tant de poussières, et tant d'amiante, de mercure et qui voient leur vie ruinée, eux qui ne figurent pas sur les listes des victimes, eux les oubliés des assurances.

La liste est loin d'être finie...

3 commentaires:

Mimi-Je Rêve a dit…

Comme tout le monde, j'imagine, je me souviens de cette journée, je n'ai découvert la "nouvelle" qu'en rentrant chez moi le soir à 19h. Et je n'en revenais pas, d'une part de la tragédie et de ce qu'elle impliquait, mais également de n'en avoir rien su plus tôt dans la journée. Certes je travaillais en pleine campagne, mais j'avais quand même croisé des parents d'élèves à midi et à 16h, et la cantinière qui cuisinait en écoutant la radio... Rien. Personne n'en avait soufflé mot. J'étais scotchée d'être passée à côté.

Papsy a dit…

j'ai la radio au bureau: lorsqu'ils ont annoncé le premier avion et le nombre potentiel de morts, je suis descendue le dire à mes collègues: "un avion vient de s'écraser sur une des tours de NE, ils parlent de 10000 morts".
Au second avion, et deuxième tour, je suis re-descendue:"un deuxième avion vient de s'écraser sur la seconde tour de NE".
Et lorsque j'ai fait demi-tour, l'un m'a demandé en riant: " vu le nombre de tours à New-York, tu n'as pas fini de monter et descendre": personne ne m'avait cru....
Et quand quelques jours plus tard, l'usine AZF a sauté à Toulouse, on s'est demandé dans quel monde nous vivions, car les preimiers commentaires parlaient d'attentat.

Carole a dit…

Très beau ton texte...
J'étais au bureau et comme on a la télé, on a suivi tout en direct... j'étais choquée, j'ai pleuré, je me souviens de la tristesse ambiante et du malaise qui a duré longtemps...