- Miroir, qu'ai-je fait de mes colères d'enfant ?
- Que veux-tu dire, Cendrillon ? As-tu à ce point oublié la petite fille que tu étais ?
- Je me souviens, Miroir, avoir été une enfant boudeuse, handicapée de la parole dès qu'il fallait aborder ses émotions, dire "je suis fâchée", "je suis triste", "je suis heureuse"... retranchée derrière son silence; je me sentais forte en ne parlant plus.
- Regarde Cendrillon, regarde-la, c'est toi, tu te souviens ?
- Non... Enfin si... Je ne sais plus.
- Tu la trouves heureuse cette enfant ? Tu la trouves forte ?
- Non. La vérité, Miroir, c'est que je m'en veux terriblement. Sur 100 colères, seules quelques bribes ont été dites, et encore, sur 1000 chagrins, je n'ai que mon oreiller pour raconter, et je finis par me parler, à moi seule qui m'écoute. On me dit boudeuse, je suis occupée à partager mes émotions avec moi...
L'image se brouille. Cendrillon respire un bon coup et commence à entrevoir un lien avec ses enfants.
Elle souffre d'assister aux colères que font ses filles, elle se sent désemparée, mal à l'aise, elle voudrait à tout prix les effacer, les guérir, les faire taire, avec sa tête, sa raison, parce que c'est comme ça qu'elle faisait, enfant, pour se calmer, elle, toute seule.
De se regarder enfant, en proie à cette violence toute contenue, de se voir si seule, si concentrée pour ne pas exploser, pour ne même pas pleurer, lui fait penser à ce qu'elle aurait aimé à ce moment précis : qu'on la laisse pleurer, ou mieux, qu'on lui offre cet espace confiné et sécurisé pour laisser parler ce ventre, qui à défaut d'avoir toujours raison, avait ce besoin naturel et impérieux de se défaire d'émotions trop envahissantes.
Elle aurait aimé qu'une seule fois, sa mère, ou son père, la prenne sur ses genoux, la tienne dans ses bras et lui dise qu'elle avait le droit d'être en colère, d'être fâchée, d'être triste, et d'en pleurer, que cette étreinte qui ne dure que quelques minutes lui évite une torture interne intense de plusieurs heures, de plusieurs jours avec l'entraînement...
Cendrillon prit congé du Miroir, rentra chez elle et se coucha. Elle venait de faire la paix avec l'enfant qu'elle était et savait qu'elle avait libéré un grand poids dans son coeur.
Demain, elle offrirait ses bras, ses genoux, son attention à ses filles qui elles, n'avaient pas peur de dire leurs tourments. Elle était prête à les entendre.
3 commentaires:
Très beau ton texte. C'est important de faire la paix avec soi-même...
Bises
voilà un texte tellement vrai; il faut laisser aux enfants le droit d'être en colère, triste ou autre et le leur dire. Et se l'autoriser à soi même aussi un peu de temps en temp.
...
je me sens souvent forte quand je prends conscience que je réagis très différemment de mes parents...
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