Le bruit d'une page

Je me souviens bien des derniers mois passés à donner cours, l'année dernière, à des jeunes (et moins jeunes) femmes en quête de découverte ou de recyclage. Je revois encore très clairement certains visages à peine sortis de l'adolescence, même si j'en ai oublié les noms.

Et cette question que je me posais au quotidien : "hic et nunc - ou comment garder leur attention ?"

Parce que la petite blonde, là, elle est carrément ailleurs. Elle arbore le sourire mielleux et débile de la midinette au sortir du concert de Patriiiiick, il y a 20 ans (oui, je vieillis).

Et la rouquine qui passe son temps à écrire sans relâche le prénom de son chéri sur l'intérieur de son classeur.

Et moi de tout faire pour les ramener parmi nous "hohé, les filles, c'est ici que ça se passe !"

Rien à voir. Les autres m'avaient pourtant prévenue, le groupe est contaminé, enfin une bonne moitié du moins. Je n'y pourrais rien. Peine perdue. Faudra avancer sans elles ... tant pis.

A l'époque, j'avais osé, incrédule, demander ce qui rendait mon groupe aussi calme, aussi absent, aussi envouté. On m'avait alors murmuré un prénom, "Robert", et un nom, "Pattinson", tous deux, je l'avoue, m'étaient parfaitement inconnus lorsqu'on les mit ensemble.

Quoi ? Hein ? MémèreCendrillon ne connaît pas Robert Pattinson ?
Euh non.

Et la saga Twilight ?
De nom seulement. C'est pas un truc pour les ados ?
Visiblement, pour ados et post-ados.

Puis, en tendant l'oreille, j'ai entendu des collègues en parler, entre deux portes.
Et plus le temps passa, plus les messages se multiplièrent.
Jusqu'au jour où je reçus les 2 premiers tomes en prêt.

Jusqu'au jour où n'ayant plus que quelques dizaines de pages du second tome, je fis le tour du village à la recherche des 2 derniers, en urgence.

Je suis littéralement tombée dedans.
J'ai 14 ans et demi, je dévore l'histoire, je veux bien croire à tout ce qu'on me raconte, je veux bien imaginer que tout ça existe, je me fous du style, de la qualité littéraire, je m'en tape de la (trop) mauvaise traduction, je bois les mots, j'ingurgite les pages, mon coeur bat avec les personnages, je me ronge les peaux des ongles, et je défie la nuit, encore un chapiiitre, encore un petit, un tout petit.

Merde, il est 1h36. Mon crâne souffre de mes trop longues journées, mais mes mains s'accrochent au bouquin. Pas trop vite, il ne reste que 250 pages. Tome 4. C'est bientôt fini et déjà l'envahit la vague de désespoir. Elle est trop nulle, c'te nana, elle aurait pu copier la mère d'Harry (Potter) et nous faire quelques tomes supplémentaires.

Dans 250 pages, je déprime sec. Et la sortie prochaine du 3e volet au cinoche ne me consolera pas. Alors, afin d'éviter au Prince le pire, je vous serais infiniment reconnaissante de me filer vos plans lecture pour l'été, intrigue prenante, palpitante et tout et tout. Merci d'oublier les essais philosophiques et rhétoriques, je veux m'évader.

M'é-va-der.